Moi, Fatty by Jerry Stahl

Moi, Fatty by Jerry Stahl

Auteur:Jerry Stahl [Stahl, Jerry]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-01-31T23:00:00+00:00


Moi, en vedette américaine

Si je signais, il était convenu que ma période deux-bobines était finie. Zukor voulait sept longs métrages par an – et moi comme seul maître à bord après Dieu. Il me fallait un peu de temps pour me rendre compte. À partir d’octobre 1922, je réaliserais vingt-deux longs métrages en trois ans. Chaplin ne devait faire son premier qu’en 1922 avec The Kid. J’aurais déjà pu sentir le serpent dans l’ours en peluche, quand Adolph précisa que Famous Players-Lasky les produirait tous. Mais j’ai toujours été lamentable dans les négociations d’affaires. J’avais commencé dans le music-hall parce que j’avais faim. Mack disait toujours :

« Inutile de s’énerver, on ne peut faire confiance à personne, à Hollywood. »

Perché sur deux tabourets de bar à la fois sur le yacht de Zukor, le poing serré sur un martini, je tentai de réfléchir à cette proposition. On avait passé le week-end à Catalina, et il avait insisté pour me ramener lui-même à Los Angeles, pour qu’on ait le temps de discuter. Je ne savais pas si je devais sauter en l’air et crier « Youpiii !… » ou couvrir mon tendre orifice et plonger pour rallier la côte. J’aurais dû me douter qu’il y avait anguille sous roche lorsqu’il insista pour me faire avaler une soupière d’alcool avant de me rouler dans la farine. Je n’étais pas une starlette, tout de même.

Adolph croyait manifestement que je jouais les « effarouchées » pour le mettre sur des charbons ardents, me mordant les lèvres et me grattant une tête à la chevelure blonde comme un pigeon dans un mélodrame. J’étais effectivement éberlué, mais si on est acteur, les producteurs présupposent qu’on est systématiquement en train de jouer la comédie. Dans la position où j’étais par rapport à Zukor, c’était moi qui avais toutes les cartes en main. Je ne le savais pas, c’est tout. Donc, quand il sembla que j’hésitais – ou pire encore, que j’essayais de lui faire cracher plus de blé –, il se mit à parler avec de grands gestes des deux mains.

Mais permettez-moi une petite interruption. Jusqu’à ce que Buster me le signale par la suite, je ne m’aperçus pas de ce que souhaitait vraiment Zukor. En fait, il voulait me faire travailler plus pour le même salaire. Le coup du long métrage, c’était une manière de détourner mon attention. Une diversion. Le parrain de Keaton était Harry Houdini, alors il s’y connaissait. Buster était un type extra dans une partie de poker, sauf, bien entendu, si on tenait à son pognon.

Zukor, en revanche, si malin qu’il fût, était un joueur de poker lamentable. Il avait un visage expressif, et il était fébrile. Quand on le connaissait un peu mieux, on comprenait ce que signifiaient ses gesticulations. Comme disait Buster, Adolph télégraphiait sa prochaine manœuvre plus efficacement que Western Union. Mais ce qui le trahissait de la façon la plus éclatante, c’étaient ses mains. Quand il essayait de vous vendre quelque chose, Adolph vous prenait la main. Il ne la serrait pas.



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